CHANGEMENT D’ERE
Au moment où les marchés reprennent leur souffle, les investisseurs sont partagés sur leur expositions financières, 14 mois après avoir testé les points bas. La rotation sectorielle du premier trimestre
ayant permis de remettre à niveau les valeurs cycliques exagérément délaissées, quelle attitude adopter pour ce second trimestre ?
· Suivre l’adage suranné « Sell in May and go away », certes très facile à adopter après plusieurs périodes de restrictions sanitaires.
· Rester dans l’expectative des plans de relance nationaux aussi gigantesques qu’inédits,
· Se positionner sur les secteurs et entreprises qui auront intégré dans leur modèle l’incroyable choc sanitaire mondial.
Investir c’est connaître sa capacité à subir la volatilité des portefeuilles dynamiques mais aussi ceux considérés comme plus prudent. L’acceptation du risque se traduit logiquement par sa compréhension par l’investisseur.
Sans commenter l’insolente revalorisation des indices boursiers dans ce contexte sanitaire et social compliqué, de nombreux signaux laissent cependant présager que rien ne sera plus comme avant.
La contrainte sanitaire a permis de rompre avec ses habitudes, de vie, de consommation, de travail, de production, de déplacement, d’enseignement, de relation sociale, d’investissement, ….
L’impact écologique constaté lors de l’arrêt de l’activité économique mondiale au cours de l’année 2020 ont catalysé les attentions sur l’empreinte de l’activité humaine sur l’environnement.
Au niveau institutionnel, depuis les Accords de Paris entré en vigueur le 04/11/2016, le cadre réglementaire en matière de communication d’entreprises s’est intensifié.
Plus récemment, dans le cadre de l’adoption d’un Paquet Finance Durable visant à mieux orienter les flux de capitaux vers des activités durables, la Commission européenne a présenté le 21 avril 2021 sa proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD, Corporate Sustainabbility Reporting Directive).
La standardisation et le contrôle des informations sur des dimensions ESG et risques climat publiées par les entreprises visent à propulser les informations de durabilité au même niveau que les informations financières. La CSRD s’attaque ainsi à toutes les dimensions du reporting ESG.
La standardisation, l’élargissement du nombre d’entreprises ciblées, la cohérence recherchée avec le cadre européen sur la finance durable, la numérisation, l’audit des informations publiées ambitionnent d’écarter la controverse du « Greenwashing » en mesurant l’impact réel des décisions prises par l’entreprise en matières environnementales, sociales et de gouvernance.
Ainsi toute la filière financière doit se mettre au diapason pour améliorer sa transparence vis-à-vis des investisseurs. La communication, la stratégie des sociétés de gestion dans leurs investissements et la restitution des performances financières comme extra-financières s’imposent désormais.
Ainsi, la communication commerciale et les comptes-rendus de gestion destinés aux investisseurs répondront bientôt aux exigences de la réglementation dite « Disclosure » et « Taxonomie »
La réglementation Disclosure, doit établir le premier standard, commun aux pays membres, de publication d’informations en matière de durabilité. Elle s’applique à tous les produits financiers en Europe mais introduit des règles spécifiques pour les fonds durables. Ces lignes directrices plus contraignantes s’intègrent dans la stratégie globale de l’Union Européenne sur la finance durable, que les régulateurs (AMF en France) seront chargés d’appliquer au niveau national. L’enjeu de la publication de données fiables relatives aux facteurs de durabilité est d’avoir une meilleure compréhension de l’exposition des portefeuilles à des risques ESG comme le changement climatique et la perte de biodiversité.
La taxonomie est un standard européen qui concerne les entreprises, les investisseurs et les Etats membres pour lister la part verte de leurs investissements. Cette réglementation doit faire évoluer le monde de l’investissement durable en mettant en place un langage commun et donnant accès aux investisseurs à une base de comparabilité entre chaque pays. Elle cible à orienter les investisseurs vers le financement d’activités durables du point de vue environnemental et les entreprises en les aidant à développer ces activités grâce aux financements.
Si l’investissement s’oriente vers les entreprises les plus vertueuses cela n’écarte pas le risque de volatilité et de sous-performance propre à chaque secteur d’activité et entreprise. En revanche, la traçabilité tout comme la mesure des objectifs extra-financiers délivrés par l’entreprise, l’exposeront à la controverse en cas de manquement.
Pour matérialiser cette révolution, les agences de notation et leur filiales spécialisées en matière de notation et recherche ESG proposent leurs analyses aux Etats et institutions financières. Ainsi, l’agence internationale Vigeo Eiris fondée en 2002 entrée sous le giron de Moody’s en 2019 a contribué à la sélection des entreprises de l’indice CAC 40 Governance Index en mars 2017.
Plus récemment et face à la demande croissante des investisseurs institutionnels, l’indice CAC 40 ESG a vu le jour le 24 mars dernier.
D’autres indices s’attelant à la préservation de l’environnement illustrent la profonde transformation financière en cours.
Après une mise à l’arrêt de l’économie mondiale en 2020, la constitution d’un surcroît d’épargne en Europe comme aux Etats-Unis, les plans de relances gouvernementaux considérables, les révisions à la hausse régulières des résultats d’entreprises et perspectives de croissance pour 2021 comme 2022, il apparait imprudent pour l’investisseur en quête de performance de rester simple spectateur des profondes mutations en cours.
Pendant que les investisseurs attendent un repli transitoire des valorisations, tous les signes inflationnistes, les perspectives de reprise mondiale et déclarations des Banques Centrales sont scrutées à la loupe.
Déjà amorcée depuis quelques années à marche forcée, l’adaptation de l’environnement financier s’intensifie.
Plus attentif à intégrer les aspects sociaux et climatiques, l’entrée dans une nouvelle ère économique apparait inéluctable.